Secrets de paysagiste, quand le terrain fait sa Loi
Concevoir un jardin éco-responsable, c’est avant tout l’adapter à sa biorégion, en introduisant des plantes qui vont s’épanouir naturellement sur le long terme, sans apport chimique, ni stress hydrique. Mais chaque parcelle doit cohabiter en harmonie avec ses parcelles voisines, avec ses règles et contraintes, administratives et environnementales. À quoi doit-on faire attention avant d’aménager son jardin ? Comment bien connaître son terrain ? Déborah et Thomas Simon, fleuriste et paysagiste à Passion Verte, nous partagent leurs règles d’or.
Chaque jardin a sa propre terre, son ensoleillement, sa forme de pente, son altimétrie et son hygrométrie… et ses jardins voisins ! Il est indispensable donc, d’identifier toutes ses spécificités et ses contraintes, avant de définir les plantes qu’il est raisonnable d’introduire, leur emplacement, mais aussi les zones de servitude et les sols que vous pourrez travailler. Le plan cadastral indique toutes les limites de terrains entre les différentes habitations d’une commune. Il peut vous aider à identifier quels arbres sont à vous ou à votre voisin, mais aussi à connaître les cours d’eau ou fossés qui traversent votre terrain.
Les cadastres sont disponibles sur le site cadastre.gouv.fr ou sur france-cadastre.fr ou auprès de la mairie de votre commune.
1 - Respecter les règles de plantation (en limite de propriété)
Une fois les limites de propriété identifiées, il faut anticiper les distances de plantation à respecter avec ses voisins. Les arbres et les arbustes de moins de 2 mètres de hauteur doivent être plantés à une distance minimale de 50 centimètres de la limite séparative. Pour les arbres excédants les 2 mètres, il faut respecter une distance de 2 mètres minimum avec la limite séparant les deux propriétés. De manière logique, plus l’arbre est haut, plus il faut l’éloigner de la clôture séparative pour éviter les dégâts en cas de chute, les nuisances créées par l’ombre, ou les chutes de feuilles…
Une fois les distances prises en compte, vous pouvez vous renseigner sur les espèces déconseillées ou interdites à la plantation. Si vous êtes en copropriété, certains arbres peuvent être prohibés. Déborah nous déconseille notamment le bambou, qui “peut être traçant (c’est-à-dire coloniser l’espace) et endommager le mur en pierre du voisin.”
2 - Analyser les documents notariés
Prenez le temps de relire tous les documents reçus lors de l’acquisition de votre bien, et consultez le Plan Local d’Urbanisme (PLU), afin d’en savoir plus sur la géologie, le type de roches sur lesquelles votre terrain repose, le détail des zones sismiques et inondables, la classification de votre zone ainsi que les servitudes à respecter.
Si par exemple vous habitez sur un ENBC (Espace Naturel Boisé Classé), vous serez soumis à certaines interdictions d’aménagement. Idem près d’un monument historique, ou un espace spécifiquement protégé, soyez vigilants à ce que les raccordements à l’eau et à l’électricité soient autorisés, ainsi que la restauration ou l’extension des habitations.
3 - Sol et sous-sol
Si analyser la composition de sa terre est important, connaître son sous-sol l’est tout autant ! D’abord, on doit examiner les plans d’assainissement de sa maison pour y repérer les arrivées d’eau, les arrivées électriques et les évacuations d’eau usées. Si vous avez un plan détaillé avec les réseaux dessinés, c’est parfait ! Si vous n’avez pas de tout-à-l’égout, il faut repérer les sorties d’eau de la fosse septique ou de votre micro station d’épuration (si vous êtes raccordés au busage ou au fossé). Grâce à ces éléments, vous allez pouvoir déterminer (sur votre plan de jardin, établi grâce au cadastre), où planter vos arbres sans impacter votre sous-sol.
En effet, grâce à la force de leur système racinaire, certains arbres se dirigent vers l’eau et peuvent endommager votre assainissement ou vos évacuations, voire même votre réseau électrique.
Prévoir une arrivée d’eau est essentielle lorsque l’on prépare son terrain, car concevoir un jardin économe en eau, ça demande du temps ! Il vous faudra arroser vos arbres récemment plantés les premières années, particulièrement lors des périodes de sécheresse. L’arrosage aidera vos arbres à s’enraciner et à être suffisamment développés pour aller s’alimenter seuls par la suite, comme pour un enfant 🙂
4 - Connaître l'exposition de son terrain
Il est important de distinguer les zones à l’ombre de celles où le soleil rayonne toute la journée. Une grande partie des végétaux a besoin de lumière pour se développer. C’est donc l’exposition qui déterminera les familles de végétaux que vous pouvez ou non planter. “On pense souvent à l’esthétique d’abord, et on se rend compte ensuite que les plantes ne survivent pas. Il faut d’abord identifier les contraintes avant de commencer à penser son jardin”. Observez et notez les heures auxquelles votre terrain est exposé. On peut créer des zones d’ombre dans un jardin mais pas des zones de soleil…
5 - Vérifier la santé de vos arbres
Parfois un arbre aux allures vaillantes peut se révéler porteur de maladies. Réalisez donc un tour sanitaire avant d’aménager les espaces pour vérifier leur santé. Comment reconnaître un arbre malade ? Fiez-vous à ces quelques indicateurs : une écorce molle, de la mousse, du bois noirci, des branches sans feuille ou la présence de petites plaies. “Plantez un tournevis dans le tronc de l’arbre. S’il s’enfonce, c’est qu’il y a un souci, car le tronc doit être bien dur.”
Un arbre en mauvaise santé peut seulement avoir besoin d’être taillé, mais cela peut aussi être plus grave. Si la moisissure est rentrée à l’intérieur du tronc, alors il peut s’abattre en cas de sécheresse ou d’intempéries. Si vous n’êtes pas sûr de votre diagnostic, il est préférable de faire appel à un professionnel.
6 - Identifier les plantes dangereuses
Prenez en compte la présence des animaux domestiques et l’âge de vos enfants dans le choix des végétaux. Car si senteurs, couleurs, saveurs, sont autant de bienfaits que les plantes apportent à vos jardins, attention, certaines d’entre elles peuvent se révéler dangereuses. Comme par exemple le laurier rose, la digitale, le muguet ou encore les euphorbiacées. Pour les reconnaître, il n’existe pas de règle universelle. Lorsque le muguet fructifie, la baie rouge qu’il produit devient mortelle si vous l’ingurgitez. La digitale, que l’on reconnaît grâce à sa grande hampe de fleurs en forme de tubes roses violines, renferme un nectar qui peut, lui aussi, se révéler mortel.
Les euphorbes, interdites sur le domaine public, évacuent une sève blanche urticante. Elles peuvent d’ailleurs être utilisées pour brûler les verrues, ce qui leur vaut le surnom “d’herbe à verrue”. Si vous en croisez, soyez vigilants lors de leur cueillette, elles peuvent vous brûler la peau.
A prendre en compte également, les arbres allergènes comme le bouleau ou le conifère qui irritent les yeux et le nez des plus sensibles.
7 - Vive les arbres tordus
Qui dit arbre tordu ne dit pas forcément malformation. Le plus souvent, les arbres ayant un tronc tourné sur lui-même, vrillé, témoignent de la présence d’une source d’eau. C’est par exemple le cas de certains châtaigniers. Sensibles à l’énergie produite par l’eau souterraine, ils se tournent sur eux-mêmes. “Cette eau qui circule, même à plusieurs mètres de profondeur, crée un mouvement qui les fait vriller. “
Certains arbres sont tordus plus haut, au niveau des branches. S’ils se trouvent dans une zone ombragée, c’est qu’ils recherchent de la lumière pour vivre.
Cette particularité peut également être due à la perte d’une branche principale. Une autre prend la relève et modifie ainsi sa forme.
Quelles que soient les raisons, un arbre est rarement tordu par hasard. Au Domaine des Belles âmes, Nous avons sélectionné des arbres tordus, souvent condamnés au broyage par les pépiniéristes peu scrupuleux. Et si la mode des légumes oubliés et bio, a fait naître le goût des formes bizarres, on aimerait qu’il en soit de même pour les végétaux…
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